Qu’est-ce que la retenue sur salaire ?

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Dans de nombreuses situations, l’employeur peut être tenté de déduire du salaire : soit parce qu’il souhaite sanctionner ou obtenir réparation pour les actions de son employé, soit parce que ce dernier est débiteur d’une somme d’argent à son égard (participation financière aux billets de restaurant). fourni par la société, remboursement d’un prêt, d’une avance ou d’un acompte, paiement en trop de rémunération…).

Le salaire, en raison de sa nature alimentaire, ne peut cependant être retenu que dans certains cas et dans certaines limites prescrites par la loi. A défaut, l’employeur est responsable, le cas échéant, du remboursement des sommes, du prononcé de la résiliation du contrat de travail à ses torts et de la condamnation du paiement des amendes.

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Par conséquent, avant de procéder, l’employeur doit savoir s’il trouve dans une situation qui lui permet d’effectuer une retenue salariale (A) et, dans l’affirmative, comment il peut le faire (B).

Quand un employeur peut-il effectuer une retenue salariale ?

Le principe énoncé dans le Code du travail est l’interdiction générale et absolue pour les employeurs d’imposer des sanctions financières à leurs employés (1).

En revanche, il est libre de déduire du salaire payé le montant des dettes du salarié, conformément aux modalités de rémunération prévues par la loi. (2)

Toutefois, la loi et la jurisprudence interdisent aux employeurs d’effectuer des retenues à titre de compensation :

  • les dommages causés par l’employé dans l’exercice de ses fonctions (2.1) ;
  • Dettes des employés indépendantes du contrat de travail ; (2.2)
  • Dettes des employés liées à des fournitures diverses  ; (2.3)
  • Dettes des employés travaillant dans des secteurs d’activité spécifiques . (2.4)

1- L’employeur ne peut pas déduire de salaire à titre de pénalité

La principale limitation imposée par le Code du travail à la possibilité de déduction sur salaire est celle de l’interdiction des amendes ou autres sanctions pécuniaires. (article L.1331-2 du Code du travail).

Ce principe de l’ordre public ne peut être dérogé ni par une clause du contrat de travail (Cass. soc. 4 juillet 2007 no. 06-40.160), ni par une convention collective (Cass. soc. 11 février 2009 n° 07-42.584) ou par un règlement de procédure (CE 12 juin 1987 n° 81252).

La règle s’applique à la fois au salaire de base et aux accessoires salariaux , tels que les primes (Cass. Soc. 22 novembre 1995 n°91-43809) ou des prestations en nature (Cass. soc. 23 juin 2010 n° 09-40.825 ; Cass. soc. 12 décembre 2000 n° 98-44.760).

Toute violation de ce principe est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 750€ pour les personnes physiques et 18 750€ pour les personnes morales. (article L.1334-1 du Code du travail).

L’employeur n’est donc pas justifié de procéder à des retenues sur les salaires dues, par exemple, à la mauvaise exécution par le salarié de ses obligations contractuelles (Cass. Soc. 17 avril 1991 n°89-43127).

En revanche, la réduction des salaires strictement proportionnelle à la durée de l’absence du salarié ne constitue pas une sanction financière (Cass. Soc. 21 mars 2012 n°10-21.097), sa mise à pied disciplinaire, ou sa mise à pied conservatoire au terme de laquelle est prononcée un licenciement pour faute grave ou grave (Cass. Soc. 3 février 2004 n°01-45.989).

Dans ces cas, la retenue sur le salaire ne constitue pas une pénalité ou une indemnisation interdite d’une dette (Cass. Soc. 27 mai 1992 No 89-44.166) mais la simple conséquence de l’inexécution du travail par le salarié.

2 – L’employeur peut retenir valablement sur le salaire versé les sommes qui lui sont dues par le salarié

La jurisprudence a admis la légalité des retenues sur salaire effectuées par l’employeur, lorsque le salarié lui est redevable d’une somme d’argent dans les conditions prévues par le Code civil, ce qui n’est pas interdit par le Code du travail.

Dans cette situation, la retenue par l’employeur fait l’objet d’une indemnisation , mécanisme prévu par le Code civil et par lequel deux dettes réciproques sont éteintes. (Articles 1347 et suivants du Code civil Code)

Le Code civil exige, pour que deux dettes se compensent mutuellement, qu’elles soient fongibles (c’est-à-dire ayant pour objet une somme d’argent), certaines (dont l’existence n’est pas contestée), liquides (déterminées dans leur montant) et payable (mûri). (Article 1347 du Code civil)

Par exemple, il a été jugé que l’employeur peut déduire valablement des sommes versées :

  • Le trop-payé par un salarié, constaté lors de la régularisation du lissage de la rémunération dans le cadre d’une annualisation du temps de travail. (Cass. Soc. 3 novembre 2011 n°10-16.660
  • Le trop-payé de maintien du salaire reçu par un employé pendant un congé de maladie (Cass. Soc. 10 décembre 1975 n°74-40.050)
  • La situation financière de l’employé participation à l’acquisition de billets de restaurant (Cass. soc. 1er mars 2017 n°15-18.333
  • Les sommes dues à l’employeur par le salarié en vertu d’une clause de formation de rachat (Cass. Soc. 21 mars 2000 n°99-40.003
  • Le montant des cotisations salariales versées par l’employeur pour le compte du salarié à la suite d’un recouvrement de l’URSSAF (Cass. Soc. 25 février 1997 n°94-44.788
  • Les sommes dues à l’employeur par le salarié en vertu d’une clause de formation de rachat (Cass. Soc. 21 mars 2000 n°99-40.003)
  • Le montant des cotisations salariales versées par l’employeur pour le compte du salarié à la suite d’un ajustement de l’URSSAF (Cass. Soc. 25 février 1997 n°94-44.788)
  • Montants indûment versés au titre de l’entretien de rémunération tout en prenant un repos compensatoire alternatif (Cass. Soc. 5 avril 2018 n°16-26.712)
  • Les sommes versées en exécution d’une transaction qui s’est révélée nulle par la suite (Cass. soc. 6 mai 1997 n° 94-42.077)

Toutefois, le Code du travail limite considérablement les possibilités d’appliquer ce mécanisme de compensation à des sommes de nature salariale. (Cass. Soc. 10 octobre 2001 n°99-45406 ; Cass. Soc. 21 novembre 1984 n°82-43.380)

2.1- L’employeur ne peut pas déduire du salaire le montant correspondant aux dommages causés par le salarié dans l’exercice de ses fonctions

L’employeur ne peut pas déduire de sommes correspondant à l’indemnisation des dommages causés par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail.

Ainsi, par exemple, l’employeur n’est pas a le droit de retenir le montant de la perte de revenus due à la négligence de l’employé qui l’a laissé dans son véhicule personnel, où il a été volé. (Cass. Soc. 21 octobre 2008, n°07-40.809)

Seule la négligence grave, c’est-à-dire commise dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, permet à l’employeur d’engager la responsabilité civile du salarié. (Cass. Soc. 27 avril 2013 n°11-27.550 ; Cass. Soc. 21 octobre 2008 n°07-40.809)

Cependant, même dans ce cas, le principe de l’interdiction des sanctions pécuniaires empêche l’employeur de déduire lui-même les salaires.

Dans un tel cas, il est préférable que l’employeur engage la responsabilité du salarié en saisissant le Conseil du travail.

2.2- L’employeur ne peut pas retenir ses dettes de l’employé qui est indépendant du contrat

de travail Lorsque les dettes de l’employé ont une origine distincte du contrat de travail ou sont trop éloignées de son statut d’employé, l’employeur ne peut pas les déduire de son salaire.

En particulier, il a été jugé que :

  • l’employeur ne pouvait pas déduire du salaire versé les sommes dues par le salarié au titre de l’occupation d’un logement qui n’était pas accessoire au contrat de travail (Cass. Soc. 13 octobre 1998 n°96-42.373)
  • l’employeur, une société bancaire, ne pouvait pas déduire du salaire le solde négatif du compte de son employé, dans la mesure où il possédait cette créance non pas en sa qualité d’employeur mais en sa qualité de banquier. (Cass. Soc. 31 mars 1994 n°92-41.106)

L’employeur doit donc s’assurer que la dette du salarié est suffisamment élevée lien fort avec le contrat et la relation de travail, qui est évalué au cas par cas. À défaut, l’employeur doit recouvrer les sommes dues par les forces de l’ordre public.

2.3- L’employeur ne peut pas retenir les dettes du salarié liées à diverses fournitures

L’article L.3251-1 du Code du travail stipule que « l’employeur ne peut retenir des salaires pour compenser les sommes qui lui sont dues par un salarié pour diverses fournitures, quelle que soit leur nature  ».

Sur cette base, la déduction sur salaire pour le remboursement des billets relatifs à un véhicule professionnel mis au service du salarié était donc considérée comme illégale, même si elle était prévue dans le contrat de travail. (Cass. soc. 11 janv. 2006, n°03-43.587)

Le concept de « fournitures diverses » n’est pas clairement défini défini par le Code du travail, qui, au contraire, laisse les mots « quelle que soit sa nature », volontairement le champ d’application le plus large possible de cet article.

Toutefois, il est prévu, à titre exceptionnel, que l’employeur peut effectuer des retenues sur les salaires dus aux dettes des employés dans les cas suivants de fournitures (article L.3251-2 du Code du travail) :

(1) les outils et instruments nécessaires au travail ;

(2) Les matériaux ou matériaux dont l’employé est responsable et utilisé  ;

Nous sommes avancés pour l’acquisition de ces mêmes objets .

Une déduction peut donc être opérée, par exemple, sur la rémunération du salarié qui a perdu le générateur que son employeur lui avait fourni pour son travail. (Cass. Soc. 12 février 1992 n°89-42.263)

Toutefois, cette possibilité a été sévèrement restreinte en 2005 par la jurisprudence, qui exige que l’application de l’une de ces trois exceptions démontre une négligence grave de la part du salarié dont la responsabilité pécuniaire est demandée.

Ainsi, en l’absence de négligence grave, l’employeur ne peut pas déduire du salaire le coût du renouvellement d’un badge nécessaire au travail que l’employé a détérioré. (Cass. Soc. 20 avril 2005 n°03-40.069

2.4- L’employeur ne peut pas effectuer de retenues dans certains secteurs d’activité spécifiques

Il est interdit à l’employeur d’imposer aux employés des paiements d’argent ou de retenir de l’argent sous la dénomination de frais ou sous toute autre dénomination à quelque fin que ce soit, à l’occasion de l’exercice. secteurs (article L.3251-4 du Code du travail) :

(1) Hôtels, cafés, restaurants et établissements similaires ;

(2) Les entreprises de divertissement , les cercles et les casinos ;

3° Les entreprises de transport .

Ainsi, un employeur ne peut pas déduire du salaire d’un camionneur les loyers impayés de logement accessoires au contrat de travail. (Cass. Soc. 9 juillet 2003 n°01-43.103)

La violation de cette interdiction est punissable par une contravention de quatrième classe d’un montant maximum de 750€ pour les personnes physiques et de 3 750€ pour les personnes morales. (article R.3255-1 du Code du travail)

Comment effectuer une retenue sur la paie ?

Lorsque l’employeur est justifié d’effectuer des retenues sur le salaire, il doit le faire conformément à plusieurs règles juridiques.

La compensation doit d’abord être invoquée pour avoir son effet : nous vous conseillons donc d’indiquer expressément la compensation et sa raison sur la fiche de paie. (Article 1347 du Code civil)

En ce qui concerne le montant de la retenue, la compensation se fait en principe « sur concurrence », c’est-à-dire jusqu’à l’extinction totale de chaque dette. (Article 1347 du Code civil)

Toutefois, en raison de son caractère d’entretien, les salaires sont protégés et ne peuvent faire l’objet d’une saisie, d’une cession ou d’une déduction que dans certaines proportions spécifiées par le Code du travail.

En revanche, l’employeur peut compenser une dette sur toutes les sommes qui n’ont pas la nature du salaire, par exemple l’indemnité de départ légale ou conventionnelle (Cass. Soc. 23 juin 1988 n°85-44.158)

Compensation des avances de fonds : retenue à la source jusqu’à un dixième du salaire

La compensation des avances en espèces (transfert, chèque, etc., par opposition à l’avance en nature) est spécifiquement réglementée : l’employeur ne peut procéder que par des retenues successives ne dépassant pas un dixième du montant du salaire payable. (article L.3251-3 du Code du travail)

La déduction effectuée à cet égard n’est pas confondue avec la partie saisissable ou transférable (article L.3251-3 du Code du travail), c’est-à-dire qu’elle reste possible sur un salaire déjà saisi ou transféré dans les proportions légales (voir ci-dessous).

À titre d’exemple, ont été considérés par la jurisprudence comme des avances sur salaire qui ne peuvent donner lieu à une indemnisation que jusqu’à concurrence de 10 % du salaire mensuel :

  • Rémunération surestimée par un salarié dans le cadre d’une annualisation du temps de travail , notée lors de la régularisation du lissage de la rémunération. (Cass. Soc. 3 novembre 2011 n°10-16.660)
  • Le prêt accordé au salarié par l’employeur (Cass. Soc. 7 décembre 1989 n°87-42430) .Les paiements anticipés, qui désignent un paiement anticipé du salaire déjà acquis au cours de l’exécution du travail, ne sont pas considérés comme des avances (article L.3251-3 du Code du travail) et peuvent être déduits de la totalité du salaire. (Cass. soc. 24 février 1971 n° 69-40.249)

Compensation des autres dettes : retenue à la source limitée à la partie saisissable du salaire

Lorsqu’elle est autorisée, la compensation avec la dette de l’employé ne peut être appliquée qu’à la partie saisissable du salaire . (Cass. soc., 27 septembre 2012, n°11-21.926)

Cette fraction est définie en fonction d’une échelle, de proportions et de seuils de compensation corrigés pour toute dépendance. (Articles L.3252-2 et R.3252-2 du Code du travail)

Appliqué au salaire mensuel net, ce barème est fixé comme suit :

Équerre de salaire mensuel Fraction saisissable ou assignable Montant de la fraction saisissable ou transférable pour un employé sans personne à charge
Inférieur ou égal à 313,33€ 1/20 15,67€
Supérieur à 313,33€ et inférieur ou égal à 611,67€ 1/10 29,83€
Supérieur à 611,67€ et inférieur ou égal à 911,67€ 1/5 60,00€
Supérieur à 911,67€ et inférieur ou égal à 1 210,83€ 1/4 74,79€
Supérieur à 1 210,83€ et inférieur ou égal à 1 509,17€ 1/3 99,44€
Supérieur à 1 509,17€ et inférieur ou égal à 1 813,33€ 2/3 202,77€
Supérieur à 1 813,33€ totalité totalité

Depuis le 1er janvier 2019, le salaire net à prendre en compte pour l’application du barème doit être compris comme étant déduit de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. (article L.3252-2 du Code du travail)

La partie saisissable du salaire est obtenue en additionnant les montants saisissables sur chaque tranche de salaire. Par exemple, l’employeur ne peut retenir que 279,73€ sur la rémunération d’un salarié sans personne à charge gagnant 1 509,17€ par mois.

Dans tous les cas, un montant équivalent au RSA (550,93 € au 1er avril 2018) doit être laissé à la disposition du salarié concerné. (Article R.3252-5 du Code du travail ; décret n° 2018-324 du 3 mai 2018

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